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VOLTAIRE PHILOSOPHE

que j’aie jamais vu, c’est en Hollande. Quand deux hommes veulent plaider l’un contre l’autre, ils sont obligés d’aller d’abord au tribunal des conciliateurs appelés faiseurs de paix. Si les parties arrivent avec un avocat et un procureur, on fait d’abord retirer ces derniers, comme on ôte le bois d’un feu qu’on veut éteindre. Les faiseurs de paix disent aux parties : Vous êtes de grands fous de vouloir manger votre argent à vous rendre mutuellement malheureux ; nous allons vous accommoder sans qu’il vous en coûte rien. Si la rage de la chicane est trop forte dans ces plaideurs, on les remet à un autre jour afin que le temps adoucisse les symptômes de leur maladie. Ensuite les juges les envoient chercher une seconde, une troisième fois. Si leur folie est incurable, on leur permet de plaider comme on abandonne au fer du chirurgien des membres gangrenés ; alors la justice fait sa main » (Fragment sur un usage très utile établi en Hollande, XXXVIII, 445).

Dans l’article Gouvernement du Dictionnaire philosophique, Voltaire cite l’institution du jury parmi celles qui, dans la monarchie anglaise, ont rendu à chaque homme « tous les droits de la nature ». Ces droits, dit-il, « sont la liberté entière de sa personne, de ses biens ; de parler à la nation par l’organe de sa plume ; de ne pouvoir être jugé en matière criminelle que par un jury formé d’hommes indépendants », etc. (XXX, 113). Dans une lettre à Elie de Beaumont, il marque sa prédilection pour « l’ancienne méthode des jurés qui s’est conservée en Angleterre » et déclare qu’un jury n’aurait condamné ni Calas, ni La Barre et d’Etallonde (7 juin 1771)[1].

  1. On accuse Voltaire de se contredire, en rappelant que, selon