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POLITIQUE

ne pas être toujours en progrès ; bien des fois il déclare lui-même que le xviiie siècle artistique et littéraire ne vaut pas le xviie. Le progrès auquel il a cru, c’est celui de la philosophie ; et il explique comme quoi le xviiie siècle, inférieur au xviie par sa littérature, lui est supérieur par ses lumières.[1] Ce progrès, l’Essai sur les Mœurs en retrace le tableau dans le passé. Mais il se continuera dans les âges futurs ; l’humanité, siècle après siècle, doit devenir meilleure et plus heureuse, à mesure que la raison l’affranchira, que la science multipliera et amplifiera ses moyens d’action[2].

    gras en carême. Il secoua la tête. Aimeriez-vous le temps des guerres civiles qui commencèrent à la mort de François II, ou ceux des défaites de Saint-Quentin et de Pavie, ou les longs désastres des guerres contre les Anglais, ou l’anarchie féodale et les horreurs de la seconde race, et les barbaries de la première ? À chaque question, il était saisi d’effroi… Il conclut enfin malgré lui que le temps où il vivait était, à tout prendre, le moins odieux » (XXX, 103).

  1. Cf. notamment ces lignes d’une lettre au comte de la Touraille, 12 mai 1766 : « [La raison] fut agréable et frivole dans le beau siècle de Louis XIV, elle commence à être solide dans le nôtre. C’est peut-être aux dépens des talents ; mais, à tout prendre, je crois que nous avons gagné beaucoup. Nous n’avons aujourd’hui ni des Racine, ni des Molière, ni des La Fontaine, ni des Boileau, et je crois même que nous n’en aurons jamais ; mais j’aime mieux un siècle éclairé qu’un siècle ignorant qui a produit sept ou huit hommes de génie. Et remarquez que ces écrivains, qui étaient si grands dans leur genre, étaient des hommes très petits en fait de philosophie. Racine et Boileau étaient des jansénistes ridicules, Pascal est mort fou, et La Fontaine est mort comme un sot. Il y a bien loin du grand talent au bon esprit. »
  2. Cf. le vers des Lois de Minos, souvent cité par Voltaire lui-même :

    Le monde avec lenteur marche vers la sagesse

    (IX, 336.)


    Cf. encore Conclusion et examen du Tableau historique, XLI, 27.