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VOLTAIRE PHILOSOPHE

qu’est-ce que nous ne savons pas ? Qu’est-ce que nous pouvons espérer d’apprendre et qu’est-ce que nous ignorerons toujours ? Voltaire étudie la métaphysique afin de marquer, comme il dit, « les bornes de l’esprit humain »[1].

Aussi prudent que sincère, son principal souci, quand il aborde ce genre d’étude, est de ne rien affirmer qu’à bon escient.

La plupart des métaphysiciens, séduits par leur génie même ou aveuglés par leur orgueil, ont inventé de vains systèmes. Recherchons d’abord comment il les juge ; et, si ses jugements nous semblent parfois bien sévères, nous nous rappellerons qu’il ne leur demande pas de belles théories en l’air, qu’il leur demande avant tout sur quels faits authentiques, sur quels faits démontrés ou constatés leurs belles théories se fondent.

Voltaire rend hommage à l’éloquence de Platon. Il reconnaît même qu’on trouve parfois dans ses ouvrages « de très belles idées » (Essai sur les Mœurs, XV, 119). Il le loue « d’avoir eu un instinct assez heureux pour appeler Dieu l’éternel géomètre » (Dict. phil., Athéisme, XXVII, 171). Il déclare d’ailleurs que son apologie de Socrate a rendu service aux sages de tous les pays en faisant respecter la vertu malheureuse et haïr la persécution. Mais, comme métaphysicien, ce philosophe si vanté est pour lui le chimérique Platon qui fonde la terre sur un triangle équilatéral et l’eau sur un triangle rectangle, l’étrange Platon d’après lequel il ne peut y avoir que

  1. Tel est le titre d’un article du Dictionnaire philosophique, XXVII, 401.