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POLITIQUE

droit d’acheter les terres de leurs anciens seigneurs appauvris par le luxe[1]. Cependant lui-même dénonce bien souvent la vanité des titres nobiliaires. Il fait dire à Alcméon dans Ériphyle :

Les mortels sont égaux. Ce n’est pas la naissance,
C’est la seule vertu qui fait leur différence ;
C’est elle qui met l’homme au rang des demi-dieux,
Et qui sert son pays n’a pas besoin d’aïeux.

(III, 20.)


La comédie de Nanine a pour sujet le mariage d’un comte avec une paysanne[2]. Dans l’Essai sur les

  1. « Il est arrivé dans plus d’un royaume que le serf affranchi, étant devenu riche par son industrie, s’est mis à la place de ses anciens maîtres appauvris par leur luxe. Il a acheté leurs terres, il a pris leurs noms. L’ancienne noblesse a été avilie, et la nouvelle n’a été qu’enviée et méprisée. Tout a été confondu… Il est si aisé d’opposer le frein des lois à la cupidité et à l’orgueil des nouveaux parvenus, de fixer l’étendue des terrains roturiers qu’ils peuvent acheter, de leur interdire l’acquisition des grandes terres seigneuriales, que jamais un gouvernement ferme et sage ne pourra se repentir d’avoir affranchi la servitude et d’avoir enrichi l’indigence » (XXXII, 22).
  2. La Baronne.

    Vous oseriez trahir impudemment
    De votre rang toute la bienséance,
    Humilier ainsi votre naissance
    Et, dans la honte où vos sens sont plongés,
    Braver l’honneur !

    La Comte.
    Dites : les préjugés…
    L’homme de bien, modeste avec courage,

    Et la beauté spirituelle et sage,
    Sans bien, sans nom, sans tous ces titres vains,
    Sont à mes yeux les premiers des humains.

    (VI, 16.)


    Cf. au surplus les derniers vers de la pièce, dits par la marquise, mère du comte :

     
    Que ce jour
    Soit des vertus la digne récompense ;

    Mais sans tirer jamais à conséquence.

    (VI, 84.)