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MÉTAPHYSIQUE ET PHYSIQUE

présomptueuses et chimériques. On lui oppose Descartes, Malebranche ou même Bossuet : autant qu’eux, il a médité sur les grands problèmes, et le principal avantage qu’il trouve dans l’étude de la métaphysique, c’est justement qu’elle détourne son attention des intérêts vulgaires[1].

Aussi bien les questions morales et sociales, dont il se préoccupe avant tout, y sont étroitement liées. Nous l’avons entendu dire que, ne pouvant découvrir pourquoi un morceau de bois produit de la flamme, il voulait renoncer à la physique. Mais un philosophe digne de ce nom ne saurait, même faisant profession de scepticisme, s’abstraire des hautes questions qui sollicitent l’esprit humain. Et quoique Voltaire, nous le verrons, subordonne la métaphysique à la morale, sa morale elle-même n’en repose pas moins sur une métaphysique, sur la métaphysique du « bon sens », qu’il oppose à celle de l’imagination et de la fantaisie.

Enfin, si ce qui s’appelle métaphysique contient, d’une part, les choses que savent tous les hommes sensés, et, de l’autre, ce qu’aucun homme ne sait ni ne pourra jamais savoir, rien n’est sans doute plus important que de tracer la limite des deux domaines, en distinguant les vérités acquises à notre raison des erreurs dans lesquelles tant de métaphysiciens se sont laissé fourvoyer. Qu’est-ce que nous savons et

  1. « Je trouve d’ailleurs dans cette recherche, quelque vaine qu’elle puisse être, un assez grand avantage. L’étude des choses qui sont si fort au-dessus de nous rend les intérêts de ce monde bien petits à nos yeux, et, quand on a le plaisir de se perdre dans l’immensité, on ne se soucie guère de ce qui se passe dans les rues de Paris » (Lettre à Mme du Deffand, 19 févr. 1766).