pas juste que, les parts étant faites, des étrangers mercenaires qui viennent m’aider à faire mes moissons en recueillent autant que moi » (Dern. Remarques sur les Pensées de Pascal, L, 379). Et de même, après avoir cité un mot fameux de Jean-Jacques sur le premier qui, ayant enclos un terrain, voulut en faire sa propriété, il défend contre « ce beau philosophe » l’appropriation de la terre, à quelques inégalités qu’elle puisse donner lieu, comme le fruit et la récompense légitime du travail[1].
Impraticable pour des biens, l’égalité ne paraît pas moins chimérique pour les conditions. Si, comme on l’entend dire, les conditions sont égales en Suisse, ce n’est point là « cette égalité absurde et impossible par laquelle le serviteur et le maître, le manœuvre et le magistrat, le plaideur et le juge seraient confondus ensemble » (Essai sur les Mœurs, XVI, 296). L’égalité dont la Suisse jouit ne consiste que dans la soumission de tous les citoyens aux lois, qui protègent le faible contre les entreprises du fort. « Ceux qui disent que les hommes sont égaux… se tromperaient beaucoup s’il croyaient que les hommes doivent être égaux par les emplois, puisqu’ils ne le sont point par leurs
- ↑ Cf. A, B, C : « B. Voici ce que j’ai lu dans une déclamation qui a été connue en son temps ; J’ai transcrit ce morceau, qui me paraît singulier : « Le premier qui, ayant enclos un terrain », etc. — C. Il faut que ce soit quelque voleur de grand chemin bel esprit qui ait écrit cette impertinence. — A. Je soupçonne seulement que c’est un gueux fort paresseux ; car, au lieu d’aller gâter le terrain d’un voisin sage et industrieux, il n’avait qu’à l’imiter ; et, chaque père de famille ayant suivi cet exemple, voilà bientôt un très joli village de formé. L’auteur de ce passage me paraît un animal bien insociable » (XLV, 44). — Cf. encore Dict. phil., Homme, XXX, 243 sqq., Loi naturelle, XXXI, 52 sqq.