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VOLTAIRE PHILOSOPHE

souci de ménager l’opinion. Ajoutons en tout cas qu’il préconise dans plusieurs de ses écrits le même traitement pour les divers cultes. Par exemple, dans la Profession de foi des Théistes, il propose comme modèle « cette admirable loi » de Guillaume Penn, qui, dès la fin du xviie siècle, instituait en Pensylvanie la liberté de conscience pleine et entière[1].

Partisan de la liberté, Voltaire l’est aussi de l’égalité en ce qui concerne les droits naturels. « Les droits naturels, dit-il, appartiennent également au sultan et au bostangi ; l’un et l’autre doivent disposer avec le même pouvoir de leurs personnes, de leurs familles, de leurs biens. Les hommes sont donc égaux dans l’essentiel » (Pensées sur le Gouvernement, XXXIX, 427). Et encore : « Ceux qui disent que tous les hommes sont égaux disent la plus grande vérité s’ils entendent que tous les hommes ont un droit égal à la liberté, à la propriété de leurs biens, à la protection des lois » (Essai sur les Mœurs, XVII, 7). Mais ces dernières lignes font déjà pressentir une distinction capitale. « L’égalité est à la fois la chose la plus naturelle et en même temps la plus chimérique » (Dict. phil, Égalité, XXIX, 10). Naturelle quant « aux droits de l’homme », elle est chimérique lorsqu’il s’agit des biens ou de la condition sociale.

L’égalité des biens, quoi qu’on fasse, demeurera toujours une chimère. Si quelqu’un, les lots une fois répartis, demande sa part de cinquante arpents sur les cinquante mille millions à distribuer entre un milliard d’hommes, on lui répondra que, chez nous,

  1. À condition toutefois qu’on fit profession « de croire un Dieu éternel, tout-puissant, formateur et conservateur de l’univers ».