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POLITIQUE

les lois[1]. Mais il ne se fait pas une idée assez large de la tolérance. Il trouve bon qu’on ait fermé les temples des protestants et qu’on leur interdise de « s’attrouper » dans les campagnes[2]. Il approuve que « ceux de la religion du roi » aient seuls accès aux dignités publiques[3]. Enfin, après avoir qualifié certaines erreurs de criminelles et par conséquent de punissables, il signale notamment celles qui inspirent le fanatisme, et déclare que les intolérants ne méritent pas d’être tolérés[4].

Voltaire n’en fut pas moins, ces réserves une fois faites, « l’apôtre de la tolérance. ». C’est surtout aux protestants que, dans notre pays, elle devait profiter ; et les droits qu’il demande pour eux sont les mêmes dont les catholiques jouissaient en Angleterre. À vrai dire, ils nous paraissent aujourd’hui bien insuffisants ; mais ils étaient, dans la France du xviiie siècle, très difficiles à obtenir. L’édit en vertu duquel les protestants reçurent un état civil[5] fut repoussé non seulement par la plupart des « cahiers » du clergé, mais aussi par maints cahiers du Tiers-État ; et, si le Tiers l’admit, ce fut sous la réserve que le catholicisme, religion nationale, eût seul un culte public. Peut-être les restrictions que fait Voltaire lui-même à la liberté religieuse doivent-elles s’expliquer par le

  1. Commentaire sur le Livre des Délits, etc., XLII, 425 sq.
  2. Pot pourri, XLII, 7, 8.
  3. Dict. phil., Catéchisme du Japonais, XXVII, 500.
  4. Traité sur la Tolérance, chapitre intitulé Seuls cas où l’intolérance est de droit humain, XLI, 343. — Dans le Sermon de Josias Rossette, tout en célébrant l’établissement de la liberté religieuse en Russie et en Pologne, il se félicite que les jésuites aient été chassés de ces deux pays et regrette que les dominicains et les franciscains y soient tolérés. (XLIV, 16, 17).
  5. En 1789.