Page:Pellissier - Voltaire philosophe, 1908.djvu/272

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
257
POLITIQUE

Sera-t-il donc permis d’imprimer n’importe quoi ? Non sans doute. Chacun se sert « de sa plume, comme de sa langue, à ses périls, risques et fortune » (Dict. phil., Liberté d’imprimer, XXXI, 24). Il n’y a pas de délit d’opinion ; mais autre chose est d’exprimer des opinions religieuses, morales, philosophiques, autre chose d’injurier les personnes ou d’exciter une sédition dans l’État. Les pays les plus libres ont des lois contre les écrits séditieux ou injurieux. Aussi Voltaire pouvait-il sans contradiction demander qu’on le protégeât contre les Fréron et les La Beaumelle. Et nous n’avons pas à rechercher ici, en exposant ses idées philosophiques, s’il y conforma toujours sa conduite propre. Du moins nous remarquerons qu’il a défendu la liberté de la presse en faveur de Jean-Jacques lui-même et à propos du Contrat social, qui lui paraissait un livre détestable[1].

Pour ce qui est de la liberté de conscience, ou, plus

  1. « On a brûlé ce livre chez nous [en Suisse]. L’opération de le brûler a été aussi odieuse peut-être que celle de le composer… Si ce livre était dangereux, il fallait le réfuter. Brûler un livre de raisonnement, c’est dire que nous n’avons pas assez d’esprit pour lui répondre. Ce sont les livres d’injures qu’il faut brûler et dont il faut punir sévèrement les auteurs parce qu’une injure est un délit. Un mauvais raisonnement n’est un délit que quand il est évidemment séditieux » (Idées républicaines, XL, 583).
    Il faut citer ici, sur cette question de la liberté d’imprimer, deux passages essentiels, l’un, de l’Épître au roi Christian et l’autre, de l’A, B, C.
    Voici le premier :

    Tu ne veux pas, grand roi, dans ta juste indulgence,
    Que cette liberté dégénère en licence ;
    Et c’est aussi le vœu de tous les gens sensés…
    On punit quelquefois et la plume et la langue,
    D’un ligueur turbulent la dévote harangue,
    D’un Guignard, d’un Bourgoin, les horribles sermons.