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VOLTAIRE PHILOSOPHE

de protester contre l’arrestation de citoyens innocents ; il condamne tout arbitraire, même à l’égard de ceux qui peuvent être coupables. « Un Anglais, dit-il dans le même article, a demandé : Qu’est-ce qu’une lettre de cachet ? On n’a jamais-pu le lui faire comprendre » (Ibid., 62). Faut-il rappeler son mot au lieutenant de police ? Un homme venait d’être arrêté sur une lettre de cachet fausse. Voltaire demanda à ce magistrat quel châtiment devait subir le faussaire ; et, ayant appris qu’on le pendrait : « C’est toujours bien fait, repartit-il, en attendant de traiter de même ceux qui signent des lettres de cachet véritables. » Si la loi par laquelle on pourrait emprisonner un citoyen sans enquête et sans formalité « serait tolérable dans un temps de trouble et de guerre », il n’hésite pas à dire qu’elle devient « tortionnaire et tyrannique en temps de paix » (Idées républicaines, XL, 573).

La liberté de penser ne mérite pas moins de respect que la liberté individuelle, dont elle est, du reste, un complément nécessaire ; il l’appelle « la mère de nos connaissances », le « premier ressort de l’entendement humain » (Dict. phil., Âme, XXVI, 246). Et « comment un peuple peut-il se dire libre quand il ne lui est pas permis de penser par écrit ? » (Lettre à Damilaville, 16 oct. 1765). Voltaire tient pour inoffensifs les livres qui se bornent à exposer ou à discuter des idées[1]. Aussi bien, même si l’on tenait un de ces livres pour dangereux, on n’aurait pourtant pas le droit de le supprimer ni de l’interdire.

  1. Cf. notamment Dict. phil., Liberté d’imprimer, XXXI, 24 sqq., et Épître au roi Christian de Danemark sur la liberté de la presse, XIII, 290 sqq.