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VOLTAIRE PHILOSOPHE

les prêtres et les rois, il y a eu jadis une alliance dont les uns et les autres tiraient bénéfice. « Prends les dîmes et laisse-moi le reste, disait le roi au prêtre » (Lettre à Frédéric, 21 juill. 1770). Mais nous ne sommes plus dans le siècle de Théodoric ou de Clovis. Les philosophes, dont l’influence grandit de jour en jour, doivent montrer à la royauté que son intérêt est de combattre les prêtres, que « les prêtres ont toujours été les ennemis des rois » (Lettre à Damilaville, 30 janv. 1762). Il ne s’agit pas d’affaiblir le pouvoir monarchique, comme y tâchent certains publicistes peu avisés ; il s’agit de le fortifier contre l’Église[1]. Et, pour réduire l’Église, Voltaire fait cause commune non seulement avec la monarchie, mais avec les Parlements eux-mêmes dans les rares occasions où ceux-ci résistent au clergé[2]. Tel est, selon lui, le seul moyen de préparer un gouvernement libéral.

On le représente comme un adversaire de la liberté ; on lui reproche « de ne s’être même pas posé la question des droits de l’homme[3] ». Citons d’abord

  1. Cf. Lettre à d’Alembert, 15 sept. 1762 : « S’il [Frédéric] était capable… de mettre à écraser l’inf… la centième partie de ce qu’il lui en a coûté pour faire égorger du monde, je sens que je pourrais lui pardonner. »
  2. « Je crains que l’archevêque de Novogorod (cf. le Mandement publié par Voltaire sous ce nom, XLII, 427) ne puisse les soutenir [il s’agit des Parlements] dans la seule chose où ils paraissent avoir raison, et qu’après avoir combattu mal à propos l’autorité royale sur des affaires de finance et de forme, ils ne finissent par succomber quand ils soutiennent cette même autorité contre quelques entreprises du clergé » (Lettre à Damilaville, 25 nov. 1765). « Je souhaite passionnément que les Parlements puissent avoir le crédit de soutenir dans ce moment-ci les lois, la nation et la vérité contre les prêtres » (Lettre à d’Argental, 14 déc. 1765). — Il s’agit d’un arrêt du parlement qui avait supprimé les Actes du clergé. Cf. XLII, 128.
  3. E, Faguet, Politique comparée de Montesquieu, etc, p. 22.