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POLITIQUE

nation ; le roi est le surarbitre » (XXXVII, 148). Dans l’article Gouvernement du Dictionnaire philosophique, il montre de quelle façon le gouvernement anglais s’est peu à peu établi ; et, après en avoir loué la sagesse : « J’ose dire, conclut-il, que, si on assemblait le genre humain pour faire des lois, c’est ainsi qu’on les ferait » (XXX, 114)[1]. Grâce à leur constitution, les Anglais, « royalistes républicains » (Siècle de Louis XIV, XIX, 461) ont en même temps tous les avantages de la royauté et tous ceux de la république sans en connaître les inconvénients.

Mais ce gouvernement peut-il s’établir chez nous ? Voltaire allègue la différence des conditions. D’abord, les Anglais habitent une île ; aussi leur roi ne doit-il pas entretenir une armée de terre, qui lui servirait à l’occasion contre ses sujets. Puis, ils ont plus de sérieux que nous dans l’esprit et plus de fermeté dans le caractère. Enfin, et par là même, ils se sont libérés du joug de Rome, que notre peuple continue toujours à porter « en affectant d’en rire et en dansant avec ses chaînes » (Dict. phil., Gouvernement, XXX, 111); nous ne pourrons, nous autres Français, établir une bonne constitution qu’après avoir secoué ce joug.

Dans la guerre d’affranchissement contre le catholicisme, Voltaire ne désespérait pas d’obtenir l’appui de la royauté ; et voilà pourquoi, s’il en dénonce les abus, il se fait cependant un devoir de la défendre. Entre

  1. Cf. Lettres philosophiques : « Il en a coûté sans doute pour établir la liberté en Angleterre ; c’est dans des mers de sang qu’on a noyé l’idole du pouvoir despotique ; mais les Anglais ne croient point avoir acheté trop cher leurs lois », etc. (XXXVII, 449). — Cf. encore Dict. phil., Gouvernement, XXX, 112 sqq. ; Princesse de Babylone, XXXIV, 165 ; Lettre au marquis d’Argenson, 8 mai 1739; etc.