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POLITIQUE

pas ici par suprême pouvoir cette autorité arbitraire, cette tyrannie que le jeune Gustave troisième… vient d’abjurer… On entend… cette autorité raisonnable, fondée sur les lois mêmes et tempérée par elles, cette autorité juste et modérée qui ne peut sacrifier la liberté et la vie d’un citoyen à la méchanceté d’un flatteur, qui se soumet elle-même à la justice, qui lie inséparablement l’intérêt de l’État à celui du trône… Celui qui donnerait une autre idée de la monarchie serait coupable envers le genre humain » (IX, 360). Ainsi, Voltaire est tellement loin de confondre comme on l’en accuse, la monarchie avec le despotisme, qu’il ne veut pas admettre le despotisme parmi les formes naturelles de gouvernement et qu’il en traite les apologistes comme ennemis de l’humanité.

Mais le « suprême pouvoir » suppose un bon prince, et les bons princes sont rares. « Vous prouvez très bien, écrit Voltaire à un de ses correspondants, que le gouvernement monarchique est le meilleur de tous » ; toutefois, « c’est pourvu que Marc-Aurèle soit le monarque ; car, d’ailleurs, qu’importe à un pauvre homme d’être dévoré par un lion ou par cent rats ? » (Lettre à M. Gin, 20 juin 1777.) Aussi ce prétendu despotiste reconnaît-il, quoi qu’on en dise, l’utilité des corps intermédiaires pour tempérer le pouvoir royal en assurant l’observation des lois. Favorable aux États-Généraux, il regrette seulement que leurs assemblées n’aient pas fait davantage pour la suppression des abus. Mais a-t-il voulu, comme on l’affirme[1], une magistrature asservie ? En combattant la théorie de Rousseau selon laquelle le peuple, dans une démo-

  1. E. Faguet, Politique comparée de Montesquieu, Rousseau et Voltaire, p. 127.