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VOLTAIRE PHILOSOPHE

préfère le pouvoir d’un seul à la tyrannie de quelques-uns.

Voltaire en mérite si peu le nom, qu’il met sur le même rang le despotisme et l’anarchisme, définissant celui-ci comme « l’abus de la république », mais celui-là comme « l’abus de la royauté ». Et il ajoute : « Un prince qui, sans forme de justice et sans justice, emprisonne ou fait périr des citoyens, est un voleur de grand chemin qu’on appelle Votre Majesté » (Pensées sur le Gouvernement, XXXIX, 432).

Montesquieu avait rangé l’état despotique parmi les états réguliers. C’était une sorte de « légitimation » ; et Voltaire la trouva intolérable. On se contentait jusqu’ici, dit-il, « de reconnaître deux espèces de gouvernements ; on est parvenu à imaginer une troisième forme d’administration naturelle…., dans laquelle il n’y a d’autre loi, d’autre justice, que le caprice d’un seul homme » (Supplément au Siècle de Louis XIV, XX, 518). Cette troisième forme d’administration, Voltaire la répudia toujours ; et, quand il loue le despotisme de Louis XIV, il entend par là, comme lui-même a soin de le remarquer, « l’usage ferme » que fit ce prince « de son pouvoir légitime » (Ibid., 520). Quant à ses actes d’arbitraire, il les blâme tout le premier. Si parfois Louis XIV « a fait plier… les lois de l’État, la postérité, dit-il, le condamnera en ce point » (Ibid., id.). Dans les Lois de Minos, où Teucer établit fortement sa domination en réprimant les grands et les prêtres, ces vers de la dernière scène :

 
Le peuple.
Abandonne à son prince un suprême pouvoir,


sont commentés par la note suivante : « On n’entend