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POLITIQUE

On lui reproche surtout son hostilité contre les Parlements, soit au temps de la Fronde, soit à son époque.

Pendant la minorité de Louis XIV, sous le plus doux des régimes et la plus indulgente des reines, le Parlement engagea contre son souverain une guerre civile en usurpant un rôle auquel ne le destinait point l’achat d’offices purement judiciaires. Voilà ce dont Voltaire le blâme[1]. Mais d’ailleurs lui-même convient que, si les magistrats s’étaient bornés « à faire sentir au souverain en connaissance de cause les malheurs et les besoins du peuple, les dangers des impôts, les périls encore plus grands de la vente de ces impôts à des traitants qui trompaient le roi et opprimaient le peuple, cet usage des remontrances aurait été une ressource sacrée de l’État » (Siècle de Louis XIV, XX, 275).

Quant aux Parlements contemporains, Voltaire ne pouvait voir en eux que les défenseurs des abus et des privilèges, les ennemis des réformes demandées par les philosophes soit dans la législation, soit, généralement, dans l’économie sociale.

Mais surtout, jansénistes en grande partie, ils mettaient le pouvoir judiciaire au service de leurs passions religieuses[2]. Dès 1724, sous le ministère du duc

  1. Cf. notamment Siècle de Louis XIV, XIX, 288.
  2. Cf. Lettre à d’Alembert, 15 mars 1769 : « Il semble qu’il y ait des corps faits pour être les dépositaires de la barbarie et pour combattre le sens commun. Le Parlement commença son son cercle d’imbécillité en confisquant, sous Louis XI, les premiers livres imprimés qu’on apporta d’Allemagne, en prenant les imprimeurs pour des sorciers ; il a gravement condamné l’Encyclopédie et l’inoculation. Un jeune homme, qui serait devenu un excellent officier, a été martyrisé pour n’avoir pas