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VOLTAIRE PHILOSOPHE

rent une excellente éducation ; on leur apprit que leur grand-oncle était géant de droit divin, qu’il pouvait faire de toute sa famille ce qui lui plaisait ; que, s’il avait quelque jolie nièce ou arrière-nièce, c’était pour lui seul sans difficulté, et que personne ne pouvait coucher avec elle que quand il n’en voudrait plus. Le géant étant mort, son fils, qui n’était pas à beaucoup près si fort ni si grand que lui, crut cependant être géant, comme son père, de droit divin. Il prétendit faire travailler pour lui tous les hommes et coucher avec toutes les filles. La famille se ligua contre lui, il fut assommé, et on se mit en république » (Dict. phil., Maître, XXXI, 124). Voltaire ajoute, il est vrai, que, selon les Siamois, la famille avait commencé par être républicaine et que le géant parut « après un grand nombre d’années et de dissensions ». Mais sa conclusion n’en est pas moins formelle : « la violence et l’habileté, dit-il, ont fait les premiers maîtres, les lois ont fait les derniers ».

Bayle avait peint la démocratie, surtout celle d’Athènes, comme un régime oppressif et cruel. Prenant contre Bayle la défense du gouvernement démocratique, Voltaire lui remontre d’abord que la monarchie de Macédoine fut beaucoup plus cruelle et beaucoup plus oppressive ; puis il va jusqu’à dire, avec Rousseau, qu’on ne peut faire de comparaison entre les crimes d’un prince et ceux d’un peuple, car le prince a pour unique objet de satisfaire son ambition ou son avarice, et le peuple « ne veut jamais et ne peut vouloir que la liberté et l’égalité » (Dict. phil., Démocratie, XXVIII, 319).

En tout cas le gouvernement démocratique est, selon Voltaire, « naturel et sage » (Dict. phil., Poli-