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POLITIQUE

De ces trois raisons, la première semble avoir eu pour Voltaire le plus de valeur[1]. Il réfute la seconde dans ses Idées républicaines en alléguant contre Rousseau, qui l’avait prise à son compte[2], des Républiques telles que Venise, Athènes, et surtout Rome depuis les Scipions jusqu’à César. Quant à la troisième raison, elle implique en tout cas un éloge des démocraties qui durent ; mais d’ailleurs, se contredisant lui-même, Voltaire allègue une fable indienne pour montrer que la forme monarchique a précédé la forme démocratique et que celle-ci marque un progrès sur celle-là. Adimo, père de tous les Indiens, eut deux fils et deux filles. Le fils aîné était un géant, le cadet était un bossu. Dès que le géant sentit sa force, il violenta ses deux sœurs et se fit servir par son frère. « Le bossu devint soumis et le meilleur sujet du monde. Le géant, satisfait de le voir remplir ses devoirs de sujet, lui permit de coucher avec une de ses sœurs, dont il était dégoûté. Les enfants qui vinrent de ce mariage ne furent pas tout à fait bossus, mais ils eurent la taille assez contrefaite. Ils furent élevés dans la crainte de Dieu et du géant. Ils reçu-

    est, comme on l’a dit, que les hommes sont très rarement dignes de se gouverner eux-mêmes. » (Dict. phil., Patrie, XXXI, 315 sqq.)

  1. Cf. pourtant cette lettre au marquis d’Argenson, écrite de La Haye : « J’aime encore mieux l’abus qu’on fait ici de la liberté d’imprimer ses pensées que cet esclavage dans lequel on veut chez nous mettre l’esprit humain… La Haye est un séjour délicieux l’été, et la liberté y rend les hivers moins rudes. J’aime à voir les maîtres de l’État simples citoyens. Il y a des partis, et il faut bien qu’il y en ait dans une république. Mais l’esprit de parti n’ôte rien à l’amour de la patrie… Ce gouvernement-ci vous plairait infiniment, même avec les défauts qui en sont inséparables » (8 août 1743).
  2. Dans le Contrat social.