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POLITIQUE

Montesquieu lui-même n’est pas à l’abri de ses boutades. « Vous citez l’Esprit des Lois, écrit-il à M. Perret. Hélas ! il n’a remédié et ne remédiera jamais à rien… Il n’y a qu’un roi qui puisse faire un bon livre sur les lois, en les changeant toutes » (28 déc. 1771). Quant à Voltaire, Dieu le préserve « d’enseigner les rois et messieurs leurs ministres, et messieurs leurs valets de chambre et messieurs leurs confesseurs et messieurs leurs fermiers-généraux ! » « Je n’y entends rien, dit-il, je les révère tous » (Dict, phil., Gouvernement, XXX, 94).

Mais le ton même dont il fait cette déclaration suffirait pour nous avertir qu’elle ne doit pas être prise à la lettre. Si son objet principal a été de combattre le fanatisme et la superstition, il ne se désintéresse pourtant ni des réformes pratiques à opérer dans le régime contemporain, ni même des théories abstraites sur les diverses formes de gouvernements. Commençons par exposer ses idées en matière de politique générale, et nous montrerons ensuite l’effet de son action au point de vue économique, administratif et judiciaire.

Quoique Voltaire soit monarchiste, comme tous les

    du haut de son grenier, on fut plus honnête et plus circonspect. Tout pauvre diable peut dire ce qu’il lui plaît des Athéniens, des Romains et des anciens Perses. Il peut se tromper impunément sur les tribunats, sur les comices, sur la dictature. Il peut gouverner en idée deux ou trois mille lieues de pays, tandis qu’il est incapable de gouverner sa servante… Ne peut-on pas dire de ces législateurs qui gouvernent l’univers à deux sous la feuille et qui, de leurs galetas, donnent des ordres à tous les rois, ce qu’Homère dit de Calchas ? Il connaît le passé, le présent, l’avenir » (Dict, phil., XXXI, 431). — Cf. Préface historique et critique de Pierre le Grand, XXV, 2.