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VOLTAIRE PHILOSOPHE

ne s’adressent qu’aux pédants qui ont voulu mettre sur la tête des Welches un joug ridicule ? Les uns ont envoyé l’argent des Welches à Rome : les autres ont donné des arrêts contre l’émétique et le quinquina ; d’autres ont fait brûler des sorciers ; d’autres ont fait brûler des hérétiques et quelquefois des philosophes. J’aime fort les Welches, ma cousine ; mais vous savez que quelquefois ils ont été assez mal conduits. J’aime à les piquer d’honneur et à gronder ma maîtresse » (19 mai 1764)[1]. Du reste, si Voltaire s’égayait souvent aux dépens des Welches, cela le fâchait que d’autres, les étrangers surtout, se permissent de les dénigrer. « Il me vient quelquefois, écrit-il à Mme du Deffand, des Anglais, des Russes. Vous ne savez pas, Madame, ce que c’est que d’être Français en pays étranger… On ressemble à celui qui voulait bien dire à sa femme qu’elle était une catin, mais qui ne voulait pas l’entendre dire » (25 avr. 1760).

Voici deux griefs plus sérieux.

D’abord, la façon dont il a traité Jeanne d’Arc. Mais notre culte récent pour Jeanne, dans laquelle nous symbolisons la patrie même, ne doit pas nous rendre injustes envers lui. La Pucelle fut, avant de paraître, le régal des princes et des grands, qui en sollicitaient des copies. Lorsqu’elle eut paru, tous les honnêtes gens la lurent avec délices ; aucun d’eux ne s’avisa d’incriminer Voltaire. S’il tarda longtemps à

  1. Cf. Lettre au même Damilaville, 23 mai 1764 : « Les véritables Welches, mon cher frère, sont les Omer, les Chaumeix, les Fréron, les persécuteurs et les calomniateurs ; les philosophes, la bonne compagnie, les artistes, les gens aimables sont les Français ; et c’est à eux à se moquer des Welches. »