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VOLTAIRE PHILOSOPHE

a point sous un méchant », on n’en a pas quand on n’a ni biens ni droits (Dict. phil., Patrie, XXXI, 371 sqq.)[1].

Troisièmement, — parmi ceux qui se targuent de patriotisme, combien sont de vrais patriotes ? Un riche Parisien aime sa maison luxueuse, sa loge à l’Opéra, les filles qu’il entretient, le vin de Champagne que Reims lui envoie, les rentes que lui paie l’Hôtel de Ville : aime-t-il sa patrie ? Un financier l’aime-t-il ? Le capitaine et le soldat ont-ils une affection bien tendre pour les paysans qu’ils ruinent[2] ? Autre chose est d’aimer la patrie, autre chose d’aimer les biens qu’elle procure.

Enfin le patriotisme, chez beaucoup, consiste essentiellement dans la haine. Haïr tous les pays, sauf le sien, voilà pour eux ce qui caractérise un patriote. Veut-on que sa patrie ne devienne ni plus grande ni plus riche au détriment des peuples voisins ? Alors on est un citoyen de l’univers. Mais le nom de patriote s’applique à ceux qui n’aiment leur nation qu’en détestant toutes les nations étrangères[3].

Lorsqu’il critique l’idée de patrie, Voltaire fait son métier de philosophe. Aussi l’attaque-t-on plutôt sur d’autres points.

Quelques-uns de ses contemporains se plaignent qu’il répande chez nous la philosophie anglaisé, comme si l’on était mauvais Français pour préférer Newton à Descartes[4]. Devons-nous le défendre contre

  1. C’est le mot de Saint-Just : « Un peuple qui n’est pas heureux n’a pas de patrie. »
  2. Dict. phil., Patrie, XXXI, 374.
  3. Ibid., id., 377, 378.
  4. Défense du Newtonianisme, XXXVIII, 366.