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MORALE

le Commentaire sur l’esprit des Lois, que c’est là, « l’esprit des lois de Cartouche et de Desrues » (L, 62)[1]. Au surplus, Montesquieu se corrige lui-même. On ne doit égorger son voisin, ajoute-t-il, que si ce voisin vous égorge. Rien de mieux. Mais il s’agit alors de résister à des brigands qui menacent votre vie ; il s’agit d’une guerre défensive, et ce qu’on appelle ainsi ne mérite pas en réalité le nom de guerre.

Quoique Voltaire ait célébré, à l’occasion, des victoires françaises[2], il ne cessa de préconiser la paix. Rappelons, par exemple, deux de ses odes, la neu-

    soyez sûr que ce voisin vous détruire s’il devient puissant. Pour en être sûr, il faut qu’il ait fait déjà les préparatifs de votre perte. En ce cas, c’est lui qui commence la guerre, ce n’est pas vous ; votre supposition est fausse et contradictoire. S’il y eut jamais une guerre évidemment injuste, c’est celle que vous proposez, c’est d’aller tuer votre prochain, de peur que votre prochain (qui ne vous attaque pas) ne soit en état de vous attaquer, c’est-à-dire qu’il faut que vous hasardiez de ruiner votre pays dans l’espérance de ruiner sans raison celui d’un autre ; cela n’est assurément ni honnête ni utile, car on n’est jamais sûr du succès, vous le savez bien. Si votre voisin devient trop puissant pendant la paix, qui vous empêche de vous rendre puissant comme lui ? S’il a fait des alliances, faites-en de votre côté », etc. (Dict. phil., Guerre, XXX, 154).

  1. Cf. Dialog. de l’ : « . Quoi ? vous n’admettez point de guerre juste ? — . Je n’en ai jamais connu de cette espèce ; cela me paraît contradictoire et impossible. — . Quoi ! lorsque le pape Alexandre VI et son infâme fils Borgia pillaient la Romagne, égorgaient, empoisonnaient tous les seigneurs de ce pays en leur accordant des indulgences, il n’était pas permis de s’armer contre ces monstres ? — . Ne voyez-vous pas que c’étaient ces monstres qui faisaient la guerre ? Ceux qui se, défendaient la soutenaient. Il n’y a certainement dans ce monde que des guerres offensives ; la défensive n’est autre chose que le résistance à des brigands armés. » (XLV, 92.)
  2. Il fit notamment un poème sur celle de Fontenoy. Mais ce poème, d’ailleurs, ne glorifie point la guerre ; il « respire l’humanité », il « inspire des sentiments de bienfaisance ». (Discours préliminaire, XII, 118.)