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MORALE

Voltaire, là est justement l’essentiel, là est la matière même de l’histoire.

On peut s’étonner qu’il ait raconté le règne d’un Charles XII. Lui-même s’en explique dans un Discours préliminaire qui précède la première édition. L’Histoire de Charles XII, y déclare-t-il, guérira peut-être quelques princes de la folie des conquêtes[1]. Mais il exprime cependant plus d’une fois le regret d’avoir pris pour héros un roi si batailleur, d’avoir, comme il dit, « barbouillé deux tomes » à parler de tant de combats, de tant de maux faits au genre humain (Lettre à Frédéric, mai 1737; LII, 475).

Plus tard, il ne raconte l’histoire de Pierre le Grand qu’afin de montrer en lui le réformateur et le législateur. Écrivant au comte Schouvalof, il se plaint de ne rien trouver dans les livres sur les manufactures, les routes, les canaux, sur les lois et les institutions[2]. Ce que son ouvrage veut mettre en lumière, c’est le développement si rapide de la civilisation russe. Et, quand il l’envoie à d’Argental : « Si vous avez trouvé, dit-il, quelque petite odeur de philosophie morale… dans l’Histoire de Pierre le Grand, je me tiens très récompensé de mon travail » (25 avr. 1763)[3].

En somme l’histoire est pour lui le tableau de l’esprit humain, et non le récit de guerres qui, le plus souvent, n’ont produit que du mal.

Il n’y a pas à ses yeux de plus grand fléau que la guerre[4]. Ceux qui en font l’apologie allèguent que

  1. XXIV, 15.
  2. Cf. entre autres la lettre du 11 août 1751.
  3. Cf. Préface historique, XXV, 11, 12.
  4. Cf. de quelle manière il la personnifie dans la Pucelle, XI, 293. — Dans les Dernières Remarques sur les Pensées de Pascal,