seule loi fondamentale et immuable qui soit chez les hommes est celle-ci : Traite les autres comme tu voudrais être traité. C’est que cette loi est de la nature même ; elle ne peut être arrachée du cœur humain ; c’est, de toutes les lois, la plus mal exécutée, mais elle-s’élève toujours contre celui qui la transgresse » (XLI, 176). On multiplierait aisément les citations analogues[1]. Ceux qui accusent Voltaire de réduire la morale à la justice ne l’ont manifestement pas lu.
Et reprenons maintenant les passages mêmes sur lesquels ils s’appuient. Si Voltaire préconise la morale chinoise, résumée par cette maxime : « Soyez justes », il loue aussitôt après Confucius de prêcher la bienfaisance. Confucius « ne dit point qu’il ne faut pas faire à autrui ce que nous ne voulons pas qu’on nous fasse à nous-mêmes ; ce n’est que défendre le mal. Il fait plus, il recommande le bien : Traite autrui comme tu veux qu’on te traite » (Le Phil. ignorant, XLII, 599). Dans le Dialogue entre l’Excrément et l’Honnête homme, à la formule : « Si tu es juste, tu as tout dit », l’Honnête homme ajoute : « Ce n’est pas encore assez d’être juste, il faut être bienfaisant. Voilà ce qui est véritablement cardinal » (Dict. phil., Vertu, XXXII, 450). Et, quant au vers de la Loi naturelle, le terme arbitraire, comme en fait foi le vers précédent, y désigne les usages, les intérêts, les cultes, les lois, qui varient d’un pays à l’autre. Mais du reste, en disant : « Qu’on soit juste, il suffit », Voltaire, loin d’exclure la bienfaisance, entend plutôt la faire rentrer dans la justice. Rappelons seulement un mot bien
- ↑ Cf. par exemple l’Homélie sur la Communion, XLV, 298 sqq.