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VOLTAIRE PHILOSOPHE

Quelques passages de son œuvre, isolés et mal interprétés, pourraient cependant faire croire qu’il s’en tient à la justice. D’abord, ce vers de la Loi naturelle :

Qu’on soit juste, il suffit ; le reste est arbitraire.

(XII, 161.)


Puis, un mot du dialogue entre l’Excrément et l’Honnête homme : « Si tu es juste, tu as tout dit » (Dict. phil., Vertu, XXXII, 450). Et enfin, après avoir vanté, dans le Philosophe ignorant, la religion chinoise, il la résume ainsi : « Adorez le ciel et soyez justes » (XLII, 599) Ses ennemis ne pouvaient manquer d’alléguer ces divers passages pour soutenir que Voltaire méconnaît les devoirs où la justice ne nous oblige pas.

Mais supprimera-t-on tous ceux dans lesquels il célèbre la bienfaisance ? Le suivant, par exemple, du septième Discours sur l’Homme :

Certain législateur, dont la plume féconde
Fit tant de vains projets pour le bien de ce monde,
Et qui, depuis trente ans, écrit pour des ingrats,
Vient de créer un mot qui manque à Vaugelas.
Ce mot est bienfaisance. Il me plaît ; il rassemble,
Si le cœur en est cru, bien des vertus ensemble.
Petits grammairiens, grands précepteurs des sots,
Qui pesez la parole et mesurez les mots,
Pareille expression vous semble hasardée :
Mais l’univers entier doit en chérir l’idée.

(XII, 100.)


Et cet autre encore, des Remarques de l’Essai sur les Mœurs : « Il n’y a point en rigueur de loi positive fondamentale. Les hommes ne peuvent faire que des lois de convention. Il n’y a que l’auteur de la nature qui ait pu faire les lois éternelles de la nature. La