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MÉTAPHYSIQUE ET PHYSIQUE

un Dieu, c’est-à-dire une intelligence supérieure, il se demande si cette intelligence est unie au monde ou si elle en est distincte. Mais comment pourrions-nous le savoir ? « Je me vois, dit-il, arrété tout à coup dans ma vaine curiosité. Misérable mortel,… comment connaîtrai-je l’intelligence ineffable qui préside visiblement à la matière entière ?… Où est la boussole qui me conduira vers sa demeure éternelle et ignore ? » (XLII, 555). Dans l’article du Dictionnaire philosophique intitulé Catéchisme chinois, Kou ayant interrogé Cu-su, qui vient de lui prouver l’existence de l’Être suprême, sur la nature et les attributs de cet Être : « Mon prince, répond le philosophe, je me promenais hier auprès du vaste palais qu’a bâti le roi votre père. J’entendis deux grillons, dont l’un disait à l’autre : Voilà un terrible édifice. Oui, dit l’autre ; tout glorieux que je suis, j’avoue que c’est quelqu’un de plus puissant que les grillons qui a fait ce prodige. Mais je n’ai point d’idée de cet être-là ; je vois qu’il est, mais je ne sais ce qu’il est » (XXVII, 466). Et Kou, rendant hommage à la modestie de Cu-Su, le loue de se reconnaître ignorant[1].

Sur l’âme, sommes-nous plus avancés ? Les sages

  1. Cf. Dict. phil., Dieu. « Les écoles ont beau nous dire que Dieu est infini négativement et non privativement, formaliter et non materialiter, qu’il est le premier, le moyen et le dernier acte, qu’il est partout sans être dans aucun lieu : cent pages de commentaires sur de pareilles définitions ne peuvent nous donner la moindre lumière. Nous n’avons ni degré ni point d’appui pour monter à de telles connaissances. Nous sentons que nous sommes sous la main d’un être invisible ; c’est tout, et nous ne pouvons faire un pas au delà. Il y a une témérité insensée à vouloir deviner ce que c’est que cet être » (XXVIII, 361). — Ibid., Infini : « Nous connaissons Dieu par ses effets, nous ne pouvons le connaître par sa nature » (XXX, 363).