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VOLTAIRE PHILOSOPHE

quoi tout se réduit à l’âge où nous sommes » (18 nov. 1761). Vingt-cinq ans plus tôt, quelle vie célébrait-il dans le Mondain ? Ce mondain s’entoure, chez lui, de tous les plaisirs que peut procurer le luxe. Sort-il ? un char commode et magnifique le porte au rendez-vous chez Camargo, chez Gaussin, chez Julie, qui le comblent de leurs faveurs. Le soir, il va à l’Opéra ; puis, de retour dans son hôtel, il y trouve un souper délicieux, préparé par le mortel divin qui gouverne sa cuisine. Voilà une de ses journées ; et, le lendemain, il recommence la fête en la variant de son mieux :

« Le lendemain donne d’autres désirs,
D’autres soupers et de nouveaux plaisirs.

(XIV, 130.)


Rien d’étonnant si les éditeurs de Kehl disent que c’est là la vie d’un « sybarite », d’un « homme méprisable » (XIV, 125). Dans un siècle qui ne se piquait point d’austérité, ce poème fit scandale.

Mais, comme l’ajoutent les mêmes éditeurs, le Mondain est, à vrai dire, « une pure plaisanterie ». C’est aussi ce qu’allègue Voltaire, soit dans sa Défense publique, soit dans ses lettres. « Il faut avoir, écrit-il par exemple à Thiériot, l’absurdité et la sottise de l’âge d’or pour trouver cela dangereux, et la cruauté du siècle de fer pour persécuter l’auteur d’un badinage si innocent » (27 nov. 1736). Et de même il se plaint à M. de Tressan qu’on lui reproche « quelque chose d’aussi simple, un badinage plein de naïveté et d’innocence » (9 déc. 1736).

Quand Voltaire parle sérieusement, ce n’est certes pas lui qui glorifierait une molle paresse. Combien de