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MORALE

justice est la seule qui le mérite. Utiles à celui qui les possède, les autres, force, prudence, tempérance, ne sauraient s’appeler vertus que s’il en fait profiter son prochain ; ou plutôt elles sont, même alors, des qualités mises au service d’une vertu qui ne se confond point avec elles. Mais un scélérat, après tout, peut être fort, prudent, tempérant. Sa force s’applique au mal, sa prudence est de la politique, et sa tempérance de l’hygiène[1].

Ne regardant la tempérance que comme « bonne pour gouverner notre corps », Voltaire la concilie avec l’usage du plaisir. On peut, sur ce point, trouver sa morale trop accommodante. Un de ses griefs contre la religion catholique, c’est, nous l’avons vu, qu’elle condamne les jouissances corporelles. Mais, non content de répudier l’ascétisme, il semble parfois recommander une existence oisive et molle.

Déjà vieux, il écrit à Mme du Deffand : « La mort n’est rien du tout, l’idée seule en est triste. N’y songeons donc jamais et vivons au jour la journée. Levons-nous en disant : Que ferai-je aujourd’hui pour me procurer de la santé et de l’amusement ? C’est à

    nulle part à ce commerce ne doit point être compté » (XXXII, 453). — Cf. encore septième Discours sur l’Homme :

    Les reins ceints d’un cordon, l’œil armé d’impudence,
    Un ermite à sandale, engraissé d’ignorance,
    Parlant du nez-à Dieu chante au dos d’un lutrin
    Cent cantiques hébreux mis en mauvais latin.
    Le ciel puisse bénir sa piété profonde !
    Mais quel en est le fruit ? quel bien fait-il au monde ?
    Malgré la sainteté de son auguste emploi,
    C’est n’être bon à rien de n’être bon qu’à soi.

    (XII, 96.)

  1. Cf. Dict. phil., Catéchisme chinois, XXVII, 486, Vertu, XXXII, 450.