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MORALE

chose arrivera, comment serait-ce vertu que de l’espérer ?

La foi ne passe chez les chrétiens pour une vertu parce qu’ils entendent ce mot dans un sens tout particulier. Dans quel sens ? La foi chrétienne ne consiste pas à croire une vérité reconnue par la raison ; ainsi, croire que deux et deux font quatre, ou qu’il existe un Être suprême, on n’y a aucun mérite et ce n’est pas là de la foi. Elle consiste à tenir pour vraie une chose que notre raison rejette. Or, si nous n’avons aucun mérite de croire la chose qui nous paraît vraie, en avons-nous de croire celle qui nous paraît fausse ? Il semble, au contraire, que nous ne devions rien admettre sans l’avoir examiné. « Un homme qui reçoit sa religion sans examen ne diffère pas d’un bœuf qu’on attelle » (Examen important, XLIII, 45). Nous tenons de Dieu la raison ; c’est une offense à Dieu que de ne pas nous en servir.

Aussi bien ceux qui disent avoir la foi, sont en réalité des menteurs, ou, du moins, ils se font illusion à eux-mêmes. Voici par exemple le Turc Mustapha. Il prétend croire que l’ange Gabriel descendit de l’Empyrée pour apporter à Mahomet des feuillets du Coran écrits en lettres d’or. Et, quand on lui demande ses raisons de le croire, il allègue pour preuves que les préceptes et les dogmes de la religion musulmane sont la perfection même de la sagesse, que cette religion a été d’ailleurs confirmée par des miracles, et enfin qu’elle a converti la moitié de la terre. Fort bien. Cependant, si vous lui faites quelque difficulté sur les visites de l’ange Gabriel chez le Prophète, voilà Mustapha qui commence à bégayer, et ses bégaiements trahissent un doute. Y croyez--