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MORALE

En 1750 avait paru le Discours de Rousseau contre les lettres et les arts. L’année suivante, Voltaire publie le petit dialogue intitulé Timon. Timon déteste les écrivains comme des corrupteurs ; il maudit la civilisation, il abomine la science ; il se dispose à partir pour le pays des Iroquois. Cependant, quelques jours avant son départ, il rencontre un de ses amis avec lequel il va dîner dans un château voisin. Près d’un bois, tous deux sont dépouillés par des voleurs, qui sans doute n’avaient suivi les cours d’aucune université. Puis, ils arrivent presque nus chez leur hôte, un très savant homme ; on les y habille, on leur prête de l’argent, on leur fait bonne chère, on ne les égorge pas le moins du monde. Mais, au sortir du repas, Timon prend tout de même sa plume pour écrire un virulent libelle contre les philosophes et les gens de lettres[1].

Quatre ans après son premier Discours, Rousseau en publie un second, encore plus agressif. Voltaire, auquel il l’adresse, lui répond plaisamment qu’« on n’a jamais employé tant d’esprit à vouloir nous rendre bêtes » (Lettre à Rousseau, 30 août 1755). Sous une forme ironique, sa lettre fait entendre des vérités qui lui sont chères, et qu’il a exprimées autre part avec une chaleureuse éloquence. Elle dénonce le sophisme sur lequel le rhéteur genevois fondait sa thèse en opposant l’une à l’autre la nature et la civilisation.

Contre Rousseau et ses disciples, Voltaire soutient que la civilisation est naturelle. Ceux qui ne suivent

    des castors serait très préférable ». — Cf. encore Siècle de Louis XV, XXI, 431.

  1. XXXIX, 365 sqq.