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MÉTAPHYSIQUE ET PHYSIQUE

souvenir[1] en félicitant le duc d’Uzès malade ? « Lorsque les personnes de votre sorte ont de la santé, lui écrit-il, elles éparpillent leur corps et leur âme de tous les côtés ; la mauvaise santé retient un être pensant chez soi. » Et, dans cette même lettre, en réponse sans doute à quelque compliment sur ses œuvres poétiques, il les traite d’amusements et de bagatelles par comparaison avec « l’étude principale de l’homme » (19 nov. 1760).

Quels sont ceux qu’on peut taxer à bon droit de frivoles ? Ceux qui, s’épargnant la peine de penser, reçoivent des opinions toutes faites. La frivolité consiste à ne pas user de cette raison que l’homme tient de Dieu et par laquelle Dieu l’a distingué de la brute, à s’enquérir d’une orthodoxie auprès des docteurs officiels[2].

Est-il vrai que Voltaire, pour son compte, ait traité légèrement les questions essentielles dont lui-même recommande aux autres l’étude ? On l’accuse de « bâcler une métaphysique comme une tragédie contre Crébillon[3] ». Mais, si Voltaire écrit un livre de métaphysique en quinze jours, les matières qu’il traite dans ce livre n’ont jamais cessé de le préoccuper ; ce qu’il écrit en quinze jours, il y a pensé toute sa vie.

On lui reproche encore de croire la solution des problèmes par trop facile, de prétendre que la raison humaine, sa propre raison, peut tout expliquer. Voltaire, dit tel de nos critiques, est « impénétrable,

  1. Prière sur le bon usage des maladies.
  2. « Rien n’est si pauvre, rien n’est si misérable que de demander a un animal en bonnet carré ce que l’on doit croire » (Lettre au duc d’Uzès, 19 nov. 1760).
  3. E. Faguet, Dix-huitième siècle, p. 209.