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VOLTAIRE PHILOSOPHE

naître, ne nous sert point à l’accomplir. Tandis que les théologiens se querellent sur la nature de Dieu, servons Dieu, quelle que soit sa nature, en cultivant la vertu, en étant justes et bienfaisants. La théologie ne produit que des sectaires ; accordons-nous dans la morale. Aux « théologiens particuliers », opposons « le théologien universel » (Dict. phil, Grâce, XXX, 122), le véritable philosophe, qui se contente d’adorer Dieu et de bien agir[1].

Autant les dogmes sont obscurs, autant est claire la morale. Ici, pas de difficultés. Pas de querelles non plus. Si la dogmatique divise les hommes, la morale les unit, à quelque race qu’ils appartiennent, et fait de l’humanité tout entière une seule et meme famille.

« Il n’y a pas deux morales » (Dict. phil., Aristote, XXVII, 32), c’est un point sur lequel Voltaire a souvent insisté, un de ceux qui lui tiennent le plus au cœur. Le Beau ayant écrit dans son Histoire du Bas-Empire que les païens ne concevaient aucune idée de la morale chrétienne : « Ah ! monsieur Le Beau, proteste Voltaire, où avez-vous pris cette sottise ?… Il n’y a qu’une morale, monsieur Le Beau, comme il n’y a qu’une géométrie » (Dict. phil., Morale, XXXI, 261). Sans doute, la géométrie est ignorée de beaucoup d’hommes ; mais tous, dès qu’ils s’y appliquent, en reconnaissent la vérité. De même, la plupart des hommes n’ont lu ni le De finibus ni l’Éthique ; mais les plus belles maximes de Cicéron et d’Aristote sont pourtant imprimées dans leur conscience.

À vrai dire, les rites et les pratiques de la morale

  1. Dict. phil., Éducation, XXIX, 4 sqq., Théologie, XXXII, 362 sqq.; Homélie sur la Communion, XLV, 306 sqq. ; Hist. de Jenni, XXXIV, 350 sqq.