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VOLTAIRE PHILOSOPHE

« Eh ! mes enfants, il s’agit de l’aimer ; vous le saluerez comme vous pourrez. N’êtes-vous frères que pour être divisés ? » Homélie sur la Superstition, XLIII, 262). Nous devons retrancher de la religion tout ce qui met la discorde entre les hommes ; mais, par là même, nous substituerons la morale à la théologie.

Dans sa Profession de foi du Vicaire savoyard, Jean-Jacques Rousseau s’inspirait des mêmes idées ; et Voltaire, quoique ayant déjà bien des griefs contre lui, n’en témoigna pas moins de son admiration pour cette partie de l’Émile[1]. Or, comment Rousseau devint-il théiste ? « Je suis né protestant, lui fait dire Voltaire ; j’ai retranché tout ce que les protestants condamnent dans la religion romaine ; ensuite j’ai retranché tout ce que les autres religions condamnent dans le protestantisme ; il ne m’est resté que Dieu, je l’ai adoré » (Pot pourri, XLII, 11). Imitons l’exemple de Rousseau ; réduisons la religion aux croyances qui sont celles de tous les hommes, et bannissons-en la théologie, source éternelle de disputes et de crimes.

Aussi bien la théologie ne nous importe pas plus que les systèmes de métaphysique. Après avoir cité le mot du poète latin Perse :

…… Minimum est quod scire laboro :
De Jove quid sentis ?

(Il s’agit d’une bagatelle : que pensez-vous de Jupiter ?) —, Voltaire est le premier à déclarer que nulle question ne mérite plus notre étude. Mais, incapable de résoudre cette question, il se console en remarquant que, si nous ignorons la nature de Dieu,

  1. « Il y a cinquante pages que je veux faire relier en maroquin » (Lettre à d’Alembert, 15 sept. 1762).