Page:Pellissier - Voltaire philosophe, 1908.djvu/19

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
4
VOLTAIRE PHILOSOPHE

encore oublié la Saint-Barthélemy, lui-même, le 24 août, se sentait chaque année pris de fièvre[1].

Reproche-t-on à Voltaire de traiter parfois sur un ton plaisant les questions les plus graves ? Il raille alors ceux qui les compliquent de gaîté de cœur, qui les embrouillent et les obscurcissent par leurs bizarres inventions. Mais, refusant de prendre au sérieux les rêveries de tel ou tel métaphysicien, il n’en respecte pas moins tout ce qui mérite le respect.

Au moment d’examiner dans le Traité de Métaphysique[2] « quelle relation il y a entre Dieu et nous », « s’il y a une morale et ce qu’elle peut être », « s’il y a une religion établie par Dieu même » : « Ces questions, dit-il, sont d’une importance à qui tout cède, et les recherches dans lesquelles nous amusons notre vie sont bien frivoles en comparaison » (XXXVII, 298). Peu s’en faut qu’il ne nous rappelle quelquefois Pascal en blâmant l’incuriosité de ceux qui se désintéressent des problèmes religieux et moraux. « Je n’ai pu encore a mon âge, dit-il en 1770, m’accoutumer à l’indifférence et à la légèreté avec laquelle les personnes d’esprit traitent la seule chose essentielle » (Lettre à la duchesse de Choiseul, 2 septembre)[3]. Mais n’est-ce pas encore de Pascal qu’il nous fait

  1. Lettre à d’Argental, 30 août 1769. Cf. p. 90, et note 1.
  2. Écrit en 1734.
  3. Cf. Lettres de Memmius : « Ce que je puis encore moins comprendre, c’est la dédaigneuse et sotte indifférence dans laquelle croupissent presque tous les hommes sur l’objet qui les intéresse le plus, sur la cause de leurs pensées, sur tout leur être » (XLVI, 587). — Exam. important de mil. Bolingbroke : « La stupide insolence dans laquelle la plupart des hommes croupissent sur l’objet le plus important semblerait prouver qu’ils sont de misérables machines animales dont l’instinct ne s’occupe que du moment présent » (XLIII, 43).