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MORALE

tant une grande différence : la négation des matérialistes est funeste au genre humain et l’affirmation des spiritualistes lui est utile[1].

On le voit, le Dieu que Voltaire adore, auquel il élève un temple — Deo erexit Voltaire, — c’est surtout Dieu rémunérateur des bons et vengeur des méchants. « L’objet intéressant pour l’univers entier est de savoir s’il ne vaut pas mieux, pour le bien de tous les hommes admettre un Dieu… qui récompense les bonnes actions cachées et qui punit les crimes secrets » (Dict, phil., Athéisme, XXVII, 168)[2]. Il y a dans la métaphysique bien des questions indifférentes, les questions qui ne concernent pas la morale. Par exemple, que Dieu ait créé le monde de rien ou qu’il l’ait seulement ordonné, cela n’a aucune influence sur la condition de la vie, et nous ne nous en conduisons ni mieux ni plus mal[3]. Mais que Dieu soit ou ne soit pas un Dieu rémunérateur et vengeur, rien ne nous importe davantage.

Pour quelles raisons ?

D’abord, les honnêtes gens « ont affaire à force fripons, qui ont peu réfléchi » (Id., Enfer, XXIX, 119). Si ces fripons ne craignent pas la justice divine, rien ne les arrêtera quand ils se croiront assez habiles pour tromper la justice humaine. Crions-leur dans les oreilles que leur âme est immortelle et que Dieu les fera comparaître devant son tribunal : n’est-ce pas le seul moyen de les retenir ? « Je veux, dit A de l’A, B, C, que mon procureur, mon tailleur, ma

  1. Dict, phil., Dieu, XXVIII, 387.
  2. Cf. Ibid., id., 386.
  3. Cf. Id., Matière, XXXI, 169.