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VOLTAIRE PHILOSOPHE

termes : « Je ramène toujours autant que je peux ma métaphysique à la morale » (Lettre à Frédéric, oct. 1737 ; LII, 521).

Dans le Catéchisme chinois, le prince Kou veut persuader à Cu-Su disciple de Confucius, que ce qu’on appelle âme périt avec le corps. Mais Cu-Su, après avoir écouté son argumentation, lui fait remarquer qu’elle ne prouve rien, qu’elle propose seulement des doutes faits pour attrister notre vie. Admettons plutôt les vraisemblances qui nous réconfortent. « Il est dur d’être anéanti ; espérez de vivre… Oseriez-vous dire qu’il est impossible que vous ayez une âme ? Non sans doute ; et si cela est possible, n’est-il pas très vraisemblable que vous en avez une ? Pourriez-vous rejeter un système si beau et si nécessaire au genre humain ? » (Dict. phil., XXVII, 473). Pareillement, dans une lettre au marquis d’Argence, Voltaire défend l’immortalité de l’âme comme « le plus sage, le plus consolant et le plus politique » des dogmes (1er oct. 1759). Ainsi, il pose la question de manière que les matérialistes soient mis en demeure de prouver que l’âme est mortelle, et lui-même montre surtout quels avantages l’immortalité de l’âme peut avoir au point de vue moral et « politique ».

C’est en partant du même principe qu’il admet les peines et les récompenses de la vie future ; et d’ailleurs, si l’on n’admettait pas ces récompenses et ces peines, à quoi servirait de croire l’âme immortelle ? Nous avons besoin de consolation, nous avons besoin d’espérance. Les matérialistes niant l’immortalité sans preuves et les spiritualistes ne pouvant de leur côté prouver que l’âme survit au corps, aucun des deux partis n’a donc avantage sur l’autre. Mais voici pour-