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VOLTAIRE PHILOSOPHE

Traitons le catholicisme comme le médecin traite une maladie chronique ; ne comptons pas l’extirper d’un coup, attaquons-le par degré[1]. La religion catholique « est un arbre qui, de l’aveu de toute la terre, n’a porté jusqu’ici que des fruits de mort ; cependant nous ne voulons pas qu’on le coupe, mais qu’on le greffe » (Dieu et les Hommes, XLVI, 270)[2].

« Dieu, la vérité, la vertu » voilà ce qui remplacera le catholicisme[3]. Croire en Dieu, être juste et bienfaisant, que faut-il davantage ? Nous n’avons nul besoin d’une théologie.

Disons mieux : la théologie enfante l’athéisme et l’immoralité. La théologie enfante l’athéisme : car, incapables de s’élever par eux-mêmes aux pures croyances, mais ayant assez d’esprit pour juger absurde la religion des théologiens, beaucoup d’hommes concluent qu’il n’y a pas de Dieu[4]. Et la théologie enfante l’immoralité : car ces hommes, n’étant plus dès lors réprimés par aucun frein, cèdent à leurs mauvaises passions et se jettent dans tous les vices[5].

Au catholicisme il faut substituer la religion naturelle, qui bannit toute relation, tout merveilleux, tout dogme inintelligible. Mais qu’est-ce que cette religion ? C’est, tout simplement, la morale.

  1. Idées de La Mothe-le-Vayer, XXXIX, 376 ; Dieu et les Hommes, XLVI, 273.
  2. Cf. Lettre à M. Vernes, 2 janv. 1763 ; Lettre à M. Moultou, oct. 1766, édition Moland, XLIV, 460.
  3. Examen important, XLIII, 204.
  4. Cf. ce que dit Socrate à ses juges : « Quand vous proposez des choses ridicules à croire, trop de gens alors se déterminent à ne rien croire du tout » (Socrate, VI, 524). — Cf. encore Dict, phil., Athéisme, XXVII, 190, Sammonocodom, XXXII, 174 ; Lettre à M. de Villevicille, 26 août 1768.
  5. Dict, phil., Fraude, XXIX, 520.