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RELIGION

Ces vers, que le poète fait prononcer à Henri IV, expriment en réalité sa propre pensée. Il semble quelquefois préférer la religion protestante à la catholique. Mais, si elle est moins absurde et moins superstitieuse, peu importe, après tout, le nombre des drogues avec lesquelles une religion nous empoisonne.

C’est un lieu commun de dire que Voltaire fut « le génie de la destruction ». On reproche au xviiie siècle en général d’avoir tout ruiné sans rien rebâtir. N’est-ce donc pas sur les principes des philosophes que se constitua la société moderne ? Et quand même leur œuvre, à la considérer en soi, eût été purement destructive, ruiner les erreurs, les préjugés, les abus, n’est-ce pas édifier la vérité et la justice ? Pareillement on accuse Voltaire de jeter à bas le catholicisme sans y rien substituer. On l’en accusait déjà de son temps. Et il s’écrie : « Quoi ! un animal féroce a sucé le sang de mes proches, je vous dis de vous défaire de cette bête, et vous me demandez ce qu’on mettra à sa place ! » (Exam. important, XLIII, 204). Après avoir tué le lion de Némée ou l’hydre de Lerne, Hercule devait-il donc mettre à leur place de nouveaux monstres ?

Au reste, Voltaire ne prétend pas ruiner du jour au lendemain la religion catholique. Il est encore trop tôt ; attendons que le peuple puisse s’en passer. Jusque-là, bornons-nous à surveiller et à contenir l’Église, à rabaisser son orgueil, à réprimer surtout son fanatisme. Certes la philosophie commence de répandre la lumière parmi les nations, et non seulement dans les classes cultivées, mais jusque dans la foule. Pourtant ce n’est encore que l’aube des temps nouveaux. Sans cesser d’être actifs, soyons patients.