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RELIGION

empoisonnent avec une vingtaine » (Lettre de milord Cornsbury à milord Bolingbroke, XLIII, 213). Enfin, dans le Catéchisme de l’Honnête homme, voici comment cet honnête homme parle du protestantisme : « C’est peut-être celle de toutes [les religions] que J’adopterais le plus volontiers, si j’étais réduit au malheur d’entrer dans un parti » (XLI, 122).

Est-il vrai que Voltaire ne comprenne pas l’importance historique de la Réforme ? Ses détracteurs l’ont prétendu. Et il peut dire en effet qu’un « petit intérêt de moines dans un coin de la Saxe produisit plus de cent ans de discordes, de fureurs et d’infortunes chez trente nations ». On reconnaît là sa tendance à expliquer les grands faits par des causes infimes. Mais ceux qui prennent texte de cette phrase n’ont sans doute pas lu les lignes suivantes, où il qualifie la Réforme de « grande révolution dans l’esprit humain et dans le système politique de l’Europe[1] ».

La principale supériorité du protestantisme sur le catholicisme est, d’après Voltaire, qu’il aboutit nécessairement à la libre pensée ; tout protestant est pape. Aussi le protestantisme persécuteur lui semble se mettre en contradiction avec ses propres maximes, et, pour ainsi dire, se renier. « Lorsque nous vous persécutons, nous papistes, écrit-il à M. Bertrand, nous sommes conséquents à nos principes, parce que vous devez vous soumettre aux décisions de notre mère, sainte Église. Hors de l’Église, point de salut. Vous êtes donc des rebelles audacieux. Lorsque vous persécutez, vous êtes inconséquents, puisque vous

  1. Essai sur les Mœurs, XVII, 242.