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VOLTAIRE PHILOSOPHE

il ne professait aucun dogme, pas plus que les Juifs, et il se contenta de prêcher la morale. Tous les dogmes ont été inventés après lui. Dans son enseignement ne paraît nulle trace de ce que nous appelons le christianisme ; et la première condition pour être chrétien dans le vrai sens du mot, c’est de ne pas être catholique[1].

Faut-il, d’autre part, examiner comment les ministres de Jésus imitent sa vie et ses mœurs ? Jésus a été pauvre, a fui les honneurs, a chéri l’abaissement, les souffrances. Comparons-lui les évêques et le pape. En tout pays, les évêques usurpent sur l’autorité séculière ; ils sont riches ; ils vivent dans la mollesse[2]. Quant au pape, il habite un palais magnifique et possède d’immenses revenus. Lui qui devrait être le serviteur des serviteurs de Dieu, il prétend dominer par-dessus les rois, leur donner et leur enlever la couronne selon son bon plaisir. Un fakir des Indes ressemble beaucoup plus à Jésus que le pape. Disons mieux : si le pape fait tout le contraire de ce que fit et commanda le Christ, il est proprement un anté-christ[3].

Voltaire, à vrai dire, a souvent mal parlé de Jésus. Il en parle mal toutes les fois qu’il considère, non pas Jésus lui-même, mais le faux christianisme des catholiques.

  1. Dict. phil., Christianisme, XXVIII, 67, Juste, XXX, 505, Tolérance, XXXII, 377 ; Catéchisme de l’Honnéte homme, XLI, 111 ; Questions sur les Miracles, XLII, 119 ; Homélie du pasteur Bourn, XLIV, 313 ; Dieu et les Hommes, XLVI, 249 sqq.
  2. Cf. p. 132.
  3. Dict. phil., Raison, XXXII, 85 ; Homélie sur l’interprétation du Nouveau Testament, XLIII, 281 ; Fragment des instructions pour le Prince royal de ***, Ibid., 422, 423 ; Dieu et les Hommes, XLVI, 257.