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RELIGION

qui n’osait braver l’intolérance du clergé, chargea les gouverneurs de leur faire entendre qu’on les ménagerait s’ils se conduisaient avec sagesse, mais de leur signifier aussi que les édits subsistaient. Chaque gouverneur agit à sa guise ; presque tous suivirent les traditions du règne précédent. Dans la la Guienne, Berwick proposa de massacrer ceux des religionnaires qui célébraient publiquement leur culte, et le Régent, s’il réprima ce zèle excessif, n’en fit pas moins traduire les délinquants devant le parlement de Bordeaux [1]. Quelques-uns de ses conseillers l’engagèrent à laisser s’établir dans telle ou telle province les protestants expatriés : il en fut empêché, une première fois (1717), par les jansénistes et les gallicans, puis, une seconde (1722), par les jésuites.

La déclaration de 1724, qu’avait inspirée Lavergne de Tressan, renouvela toutes les rigueurs du temps de Louis XIV et y en ajouta d’autres[2]. On interdisait l’exercice du culte même dans les familles. On punissait les fidèles, hommes ou femmes, qui n’auraient pas dénoncé les prédicants, celles-ci de la détention perpétuelle, ceux-là des galères. On enjoignait aux ecclésiastiques d’aller voir les malades suspects et de les exhorter sans témoins. On confirmait la peine des galères à vie et de la confiscation contre tout protestant qui guérissait après avoir refusé les sacrements ; mais il fallait autrefois que ce refus eût été constaté par un magistrat, et maintenant le témoi-

  1. Ils furent condamnés aux galères ; le Régent gracia les simples fidèles, mais non pas les pasteurs.
  2. Ayant vu Dubois obtenir le chapeau pour prix de ses violences contre le jansénisme, Lavergne de Tressan voulait se pousser lui-même au détriment des religionnaires.