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VOLTAIRE PHILOSOPHE

« Le poison subsiste encore, quoique moins développé. Cette peste, qui semble étouffée, reproduit de temps en temps des germes capables d’infecter la terre » (déc. 1740; LIV, 237). De même, à la fin du Philosophe ignorant : « Je vois qu’aujourd’hui, dans ce siècle qui est l’aurore de la raison, quelques têtes de cette hydre du fanatisme renaissent encore. Il paraît que leur poison est moins mortel et leurs gueules moins dévorantes. Le sang n’a pas coulé pour la grâce versatile, comme il coula si longtemps pour les indulgences plénières qu’on vendait au marché. Mais le monstre subsiste encore ; quiconque recherchera la vérité risquera d’être persécuté » (XLII, 609). Et enfin dans l’Avis au public sur les Calas et les Sirven : « Un prêtre irlandais a écrit depuis peu… que nous venons cent ans trop tard pour élever nos voix contre l’intolérance, que la barbarie a fait place à la douceur, qu’il n’est plus temps de se plaindre. Je répondrai à ceux qui parlent ainsi : Voyez ce qui se passe sous vos yeux » (XLII, 395)[1].

Voyez, dit Voltaire, ce qui se passe sous vos yeux. Et que se passait-il donc ?

En 1722, l’abbé Houtteville, dans la préface d’un livre intitulé la Vérité de la Religion chrétienne prouvée par les faits, appelle la tolérance un système monstrueux[2]. En 1749, l’abbé de la Ménardaye, dans son

  1. Cf. encore Remarques de l’Essai sur les Mœurs : « Quoi ! vous dites que les temps du jacobin Jacques Clément ne reparaitront plus ? Je l’avais cru comme vous ; mais nous avons vu depuis les Malagrida et les Damiens (XLI, 168). Lettre à Condorcet, 26 févr. 1716, édition Moland, XLIX, 533 : « … Nous sommes prêts de revenir au temps des Guincestre, des Aubry, des Clément, des Châtel et des Ravaillac. »
  2. Lettre à Damilaville, 28 nov. 1762.