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RELIGION

de la religion catholique, il l’accuse plaisamment d’exagérer, et remarque que le christianisme, depuis quinze siècles, a seulement fait pérircinquante millions de personnes de tout âge et de tout sexe pour des querelles théologiques[1]. Lui-même, ici, paraît suspect d’exagération. Ailleurs, il en rabat les deux tiers. « La religion chrétienne, déclare-t-il dans l’article Athée du Dictionnaire philosophique, a coûté à l’’humanité plus de dix-sept millions d’hommes, à ne compter qu’un million d’hommes par siècle, tant ceux qui ont péri par les mains des bourreaux de la justice que ceux qui sont morts par la main des autres bourreaux soudoyés et rangés en bataille » (XXVII, 164). Dans le chapitre de Dieu et les Hommes intitulé Jésus et les Barbaries chrétiennes, il fait en détail son compte. Et ce n’est plus cinquante millions, ni même dix-sept. Mais, en y mettant la plus grande modération, c’est neuf millions quatre cent soixante-huit mille huit cents victimes. Voltaire trouve le compte « effrayant ». Ceux-là seuls n’en sont pas effrayés, qui voient dans ces massacres un hommage rendu à leur Dieu.

Peut-on dire qu’il faut accuser de ces massacres la méchanceté naturelle des hommes et non la religion catholique ? Les hommes ne sont pas si méchants. Il y en a beaucoup, en tout cas, qui sont naturellement bons, et dont la religion fait des monstres. Tel, dans Mahomet, « le malheureux Séide, qui croit servir Dieu en égorgeant son père » (Lettre à Frédéric, sept. 1739 ; LIII, 662) ; tel Damiens, qui déclara devant le Parlement qu’il avait commis son parricide « par principe de religion », qui soutint dans les tortures

  1. Lettre à d’Argental, 25 avr. 1763.