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VOLTAIRE PHILOSOPHE

bien il prend soin de marquer toutes les circonstances atténuantes. Cette mort fut l’ouvrage d’une cabale. Puis les Athéniens s’en repentirent aussitôt après, et, non contents de châtier Mélitus, ils consacrèrent un temple à sa victime, de telle façon que la mort du philosophe eut pour effet une apothéose de la philosophie. Enfin, quelle différence entre cette mort et le supplice de tant d’hérétiques ou d’infidèles que l’Église a fait périr ! Point de question ordinaire ou extraordinaire ; ni bûcher, ni roue. Chargé de jours, Socrate expira doucement au milieu de ses amis en louant Dieu et en prouvant l’immortalité de l’âme[1].

Tandis que toutes les autres religions furent tolérantes, la religion catholique manifesta dès le début par d’abominables cruautés l’intolérance qui lui est propre. « Je suis persuadé, écrit Voltaire à Catherine, que, depuis la mort du fils de la sainte Vierge, il n’y a presque point eu de jour où quelqu’un n’ait été assassiné à son occasion ; mais, à l’égard des assassinats en front de bandière dont le fils et la mère ont été le prétexte, ils sont en grand nombre et trop connus » (18 nov. 1771). Et, dans son traité de Dieu et les Hommes : « Qui que tu sois, dit-il, en s’adressant au lecteur, si tu conserves les archives de ta famille, consulte-les et tu verras que tu as eu plus d’un ancêtre immolé au prétexte de la religion ou du moins cruellement persécuté, — ou persécuteur, ce qui est encore plus funeste » (XLVI, 268).

Après avoir loué une douzaine de «pages sublimes » écrites par Jean-Jacques Rousseau contre les cruautés

  1. Traité sur la Tolérance, XLI, 259 sqq. ; Prix de la Justice, etc., L, 291 ; Essai sur les Mœurs, XVI, 340 ; Dieu et les Hommes, XLVI, 137 ; Lettre à Hénault, 26 févr. 1768.