Page:Pellissier - Voltaire philosophe, 1908.djvu/146

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
131
RELIGION

et employant le nom de Dieu ou de quelque saint pour persuader aux simples de se dépouiller de leurs biens, et en priver leurs héritiers légitimes…, si c’est avoir quitté le monde, que de suivre la passion d’acquérir jusqu’à corrompre par argent de faux témoins pour avoir le bien d’autrui, et de chercher des avoués et des prévôts cruels, intéressés et sans crainte de Dieu » (Ibid., id., 33).

Quelques années après que saint François d’Assise eut fondé les premiers ordres mendiants, saint Bonaventure s’élevait contre le faste de ces religieux, qui, faisant vœu de rien posséder, étaient plus riches que les monarques eux-mêmes. D’après l’évêque de Belley, Camus, un seul des ordres mendiants coûtait par an trente millions d’or pour le vêtement et la nourriture de ses moines. Leur avidité recourt à n’importe quels moyens. Ils font du commerce, ils brassent toutes sortes d’affaires privées ou publiques, ils courent après les héritages et captent les testaments. Ils exploitent la naïveté populaire, et nulle charlatanerie ne leur répugne pour attirer dans leurs mains l’argent des pauvres comme celui des riches. Suivant un témoin oculaire, Hondorff, lorsque les réformés eurent chassé les moines d’un couvent d’Eisenach, ils trouvèrent dans ce couvent une statue de la vierge Marie et de l’enfant Jésus disposée de telle façon que la mère et le fils tournaient le dos à ceux qui ne donnaient rien et remerciaient d’un signe de tête ceux qui déposaient une offrande sur l’autel[1].

  1. Cf. Dict. phil., Abbaye, XXVI, 32 sqq., Bulle, XXVII, 441 sqq., Évêque, XXIX, 271, 272, Oracles, XXXI, 300 sqq., Quêtes, XXXII, 54 sqq. ; Un Philosophe et un Contrôleur général, XXXIX, 396 ; Canonisation de saint Cucufin, XLV, 175.