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VOLTAIRE PHILOSOPHE

pour tenter une telle entreprise, Machault ne fut pas assez constant pour la soutenir[1].

Du temps de Voltaire, il y a dans l’État deux puissances, la puissance civile et la puissance ecclésiastique ; et, généralement, celle-ci prévaut sur celle-là. Louis XIV lui-même avait dû s’y soumettre. « Il fut bien plus grand que moi, disait le tsar Pierre Ier ; mais je l’emporte en un point, c’est que j’ai pu réduire mon clergé, et qu’il a été dominé par le sien. » Ces seuls mots : les deux puissances, sont, aux yeux de Voltaire, « le cri de la rébellion » (Mandement du révérendissime Père en Dieu Alexis, XLII, 135). Est-ce que, pendant les premiers siècles, le christianisme revendiqua jamais aucune part dans la souveraineté politique ? « Mon royaume, déclarait Jésus-Christ, n’est pas de ce monde. » En tout et pour tout, l’Église doit subir le contrôle de l’État; on insulte la raison et les lois quand on prononce le nom de gouvernement ecclésiastique[2]. Et peut-on même parler de je ne sais quel accord entre le sacerdoce et l’empire ? Cet accord, qui suppose la possibilité d’un partage, est par là même « monstrueux »[3].

Si Voltaire demande parfois qu’on sépare « toute espèce de religion de toute espèce de gouvernement » (Lettre à M. Bertrand, 19 mars 1765), ce qu’il veut en réalité, c’est la subordination complète de l’Église.

Pour ce qui se rapporte à l’ordre public, nul doute que l’État ne doive la tenir sous sa dépendance. Mais qu’est-ce qui n’y a pas rapport ? Selon Voltaire, les fonctions des ministres, leurs personnes, leurs biens,

  1. Siècle de Louis XV, XXI, 342.
  2. Idées républicaines, XL, 570.
  3. Dict. phil., Prêtres, XXXI, 513.