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RELIGION

se taxe lui-même. Mais c’est là une contribution volontaire, qu’il appelle « don gratuit » ; et presque toujours il en achète quelque concession[1].

Voltaire prétend que le droit commun soit imposé à l’Église. Pourquoi les clercs, qui ne rendent pas tous de bien grands services, paieraient-ils moins que les laboureurs[2] ? Le souverain, d’après lui, doit contrôler les revenus ecclésiastiques, suppléer, s’il y a lieu, à l’insuffisance de ces revenus, mais, si les richesses du clergé sont manifestement excessives, disposer du superflu pour le bien commun de la société[3]. En 1750, l’Église refusa de payer un impôt du vingtième que venait d’établir le contrôleur général Machault[4]. « Ne nous mettez pas, lui écrivit le vieil évêque de Marseille, Belzunce, dans l’obligation de désobéir à Dieu ou au roi ; vous savez lequel des deux aurait la préférence. » Assez hardi

  1. L’assemblée de 1660, pour ne pas remonter plus haut, demande que l’apostasie soit interdite, que les réformés soient exclus des emplois publics, dépossédés de leurs temples, de leurs collèges, de leurs hôpitaux ; et le roi lui donne satisfaction sur la plupart de ces points. Celle de 1670, finit par obtenir que les enfants des religionnaires puissent être enlevés à leurs parents dès leur septième année. Celle qui suit la révocation de l’Édit de Nantes vote douze millions, somme extraordinaire, qui marque sa reconnaissance. Au xviiie siècle, les rapports de l’État avec l’Église n’ont pas changé. Seulement, il s’agit surtout pour l’Église de réduire les incrédules. « Sire, dit en 1748, l’archevêque de Tours au nom de l’Assemblée, que désirons-nous ? que l’impiété, qui marche la tête levée, soit forcée d’aller, tremblante et confuse, cacher sa honte et sa confusion dans les contrées les plus reculées », etc. Dix ans après, un don gratuit de seize millions récompensait Louis XV d’avoir révoqué le privilège de l’Encyclopédie.
  2. Dict. phil., Impôt, XXX, 340.
  3. Ibid., Droit canonique, XXVIII, 474.
  4. C’est à cette occasion que Voltaire publia la Voix du Sage et du Peuple.