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VOLTAIRE PHILOSOPHE

de plus grave encore que l’extravagance de ses dogmes ; elle est foncièrement immorale.

Parcourons d’abord les récits de l’Ancien Testament : ce ne sont que fraudes et crimes, commis par ceux-là mêmes qu’il prétend nous proposer en exemples. Voici Jacob, qui force Ésaü mourant de faim à lui céder son droit d’aînesse ; voici Juda, le patriarche, le père de la première tribu, qui couche avec sa belle-fille ; voici Salomon, qui fait périr son frère. Un prêtre veut-il prêcher la morale au lieu de dogmes incompréhensibles ? il prendra le contre-pied des enseignements donnés par la sainte Écriture. Si Jacob rançonne Ésaü, pratiquez la justice envers tous les hommes et particulièrement envers vos proches. Si le patriarche Juda commet un inceste avec Thamar, « n’en ayez que plus d’aversion pour ces indignités ». Si Salomon assassine son frère et si presque tous les petits rois Juifs sont des meurtriers barbares, « adoucissez vos mœurs en lisant cette suite affreuse de crimes ». Voilà de quelle manière doivent interpréter l’Ancien Testament ceux qui veulent en tirer quelque instruction pour la conduite de la vie[1].

Laissons maintenant l’histoire sacrée et ne nous attachons qu’aux dogmes du catholicisme : leur obscurité et leur absurdité nous déconcertent ; comment leur iniquité ne nous indignerait-elle pas ?

On prétend que la justice divine peut différer de la nôtre. Mais nos lumières viennent-elles d’ailleurs que de Dieu ? Il ne saurait y avoir deux justices, pas

  1. Sermon des Cinquante, XL, 605 sqq. ; Homélie sur l’interprétation de l’Ancien Testament, XLIII, 218 sqq.