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RELIGION

raison[1]. Cette argumentation est sans doute fort ingénieuse ; elle est encore plus impudente.

Un homme de bon sens doit rejeter le catholicisme non pas seulement pour l’absurdité de ses dogmes, mais déjà pour leur obscurité. Les théologiens parlent d’un Dieu caché, Deus absconditus. Quelle idée se font-ils donc de l’Être suprême ? Non, Dieu ne se cache point ; Dieu nous a révélé tout ce qui intéresse notre salut. Prétendre qu’il se cache, c’est lui faire injure. Il serait le plus insensé et le plus cruel des tyrans, s’il nous imposait l’observation de règles qui ne nous fussent pas clairement connues[2]. La religion « doit entrer dans le cœur de tous les hommes comme la lumière dans les yeux, sans effort, sans peine, sans pouvoir laisser le moindre doute sur la clarté de cette lumière » (Homélie du pasteur Bourn, XLIV, 377)[3]. Libre aux catholiques de dire : Credo quia absurdum ; tout homme raisonnable dira justement : non credo quia obscurum.

Il y a contre la religion catholique quelque chose

  1. Dict. phil., Secte, XXXII, 211.
  2. Homélie sur la Communion, XLV, 301.
  3. Cf. la Loi naturelle :

    La nature a fourni d’une main salutaire
    Tout ce qui dans la vie à l’homme est nécessaire,
    Les ressorts de son âme et l’instinct de ses sens.
    Le ciel à ses besoins soumet les éléments ;
    Dans les plis du cerveau la mémoire habitante
    Y peint de la nature une image vivante.
    Chaque objet de ses sens prévient la volonté.
    Le son dans son oreille est par l’air apporté ;
    Sans efforts et sans soins son œil voit la lumière.
    Sur son Dieu, sur sa fin, sur sa cause première,
    L’homme est-il sans secours à l’erreur attaché ?
    Quoi ! le monde est visible, et Dieu serait caché ?
    Quoi ! le plus grand besoin que j’aie en ma misère
    Est le seul qu’en effet je ne puis satisfaire ?

    (XII, 158.)