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VOLTAIRE PHILOSOPHE

n’ont au surplus ni corps ni figure ; et donc la personne du Père et la personne du Fils, purement spirituelles, ont produit la personne de l’Esprit, non moins spirituelle que le Fils et le Père. Voilà dans quel abominable galimatias s’embrouille le dogme de la Trinité [1].

Quant à la Transsubstantiation, c’est le suprême effort de la folie humaine, le dernier terme où pouvaient aboutir l’effronterie des moines et l’imbécillité des laïques. Un pain, changé en chair et en fibres, qui conserve le goût du pain ; non seulement un dieu dans un pain, mais un dieu substitué à ce pain ; cent mille miettes de pain devenues en un moment autant de dieux, qui ne font d’ailleurs qu’un seul dieu ! Comment de pareilles aberrations ne soulèveraient-elles pas le mépris et le dégoût ?[2]

Credo quia absurdum, déclarent les catholiques ; et ils n’ont pas d’autre ressource que de nous dire : « Fermez pieusement les yeux de la raison et adorez de si hauts mystères. » Mais alors, qu’est-ce qui nous empêchera de croire aux plus ridicules thaumaturgies ? Tous les imposteurs se sont réclamés de Dieu : qu’est-ce qui nous sauvera de leurs impostures, si nous commençons par nous aveugler[3] ?

Les défenseurs du catholicisme ne s’en tiennent même pas là. Si notre religion, disent-ils, ne venait pas de Dieu, on ne saurait expliquer que tant de peuples aient adopté des dogmes si contraires à la

  1. Extrait des Sentiments de Jean Meslier, XL, 448 sqq. ; Dict. phil., Trinité, XXXII, 396 sqq.
  2. Dict. phil., Eucharistie, XXIX, 262 sqq., Transsubstantiation, XXXII, 395, 396.
  3. Extrait des Sentiments de J. Meslier, XL, 399 sqq., 449, etc.