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VOLTAIRE PHILOSOPHE

philosophe chez lui prévaut de plus en plus. Voltaire ne conçut jamais l’histoire en pur « littérateur » ; mais, sans parler de Charles XII, il y a une grande différence entre l’Essai sur les Mœurs et le Siècle de Louis XIV. Quant à ses pièces de théâtre, presque toutes sont maintenant des œuvres de combat : Socrate, où il représente la magistrature et le sacerdoce alliés contre la philosophie ; Saül, où il s’amuse à bafouer le roi et prophète David ; Olympie, où, comme nous l’avons vu[1], il prétend montrer que la religion chrétienne a tout pris des païens et que le peuple de Dieu fut un peuple abominable[2] ; les Guèbres, où il dénonce l’ambition des prêtres ; les Lois de Minos, où il flétrit les sacrifices humains, non pas seulement ceux de l’antiquité, mais aussi ceux des temps modernes et de son siècle même ; car de quel autre nom appeler les auto-da-fé, la Saint-Barthélemy, le supplice de La Barre ?

Sa polémique aussi prend un accent plus vif. C’est à partir de 1760 qu’il adopte pour devise le mot fameux : Écraser l’infâmie[3]. Il écrit, le 11 janvier 1764, à son ami Thiériot : « Je deviens Minos dans ma vieillesse, je punis les méchants[4] ». À Damilaville, le 9 mai 1763 : « Plus je vieillis et plus je deviens implacable envers l’infâme », et le 27 février 1765 : « Je

  1. Cf. p. 83, n. 2.
  2. Lettre à Damilaville, du 8 mars 1762 ; Lettre à d’Argental, du 13 juillet 1763.
  3. Lettre à d’Alembert du 23 juin 1760 ; à Thiériot, du 18 juillet ; à d’Alembert, du 20 avril 1761 ; du 25 février et du 12 juillet 1762 ; du 18 janvier 1763, etc.
  4. Cf. Lettre à la comtesse d’Argental, 14 janv. 1761 : « Vous m’allez dire que je deviens bien hardi et un peu méchant sur mes vieux jours. Méchant ? Non, je deviens Minos, je juge les pervers. »